SFMG - Société Française de Médecine Générale

Septembre 2017 Les représentations de l’hypnose des patients fumeurs ayant eu recours aux techniques hypnotiques pour leur sevrage tabagique, en Ile de France

RESUME

Contexte et Objectif : Le tabagisme chronique, première cause de morbi-mortalité en France, conserve une prévalence stable en dépit des mesures législatives et actions de santé publique. Les médecins généralistes sont souvent démunis dans la prise en charge des patients tabagiques. L’hypnose ne fait pas partie des moyens d’aide au sevrage recommandés par la HAS, du fait du manque d’études scientifiques prouvant son efficacité dans cette indication. Les représentations de l’hypnose sont souvent faussées par les médias, pour les patients, mais aussi pour les médecins. L’objectif était d’explorer les représentations de l’hypnose des patients dans cette indication et améliorer la compréhension des mécanismes d’action de l’hypnose.
Matériel et méthodes : Il s’agissait d’une étude qualitative phénoménologique, conduite par entretiens semi-directifs. Les patients ayant eu recours à l’hypnose pour sevrage du tabac, indépendamment du résultat obtenu, ont été recrutés via 5 généralistes formés à l’hypnose clinique en Ile de France par la SFMG. Etaient exclus les patients mineurs, ayant une addiction associée ou un traitement psychiatrique en cours. Les entretiens ont été enregistrés puis transcrits mot à mot. Le codage des données a été effectué en s’aidant du logiciel Nvivo 11. L’analyse des données a été réalisée par triangulation.
Résultats : 18 patients ont été recrutés, dont 15 femmes et 3 hommes. Leurs CSP, mode et lieux de vie, niveaux de consommation tabagique et nombre de séances d’hypnose étaient variés. La saturation a été objectivée dès le 12e entretien. Les patients rapportaient un début de consommation tabagique à l’adolescence, motivé par un effet de groupe. Ils mettaient en avant leur dépendance psychocomportementale, dans un contexte sociétal en mutation dans son rapport au tabac. La position de l’entourage par rapport au tabac jouait un rôle clé, dans le sens positif ou négatif, tout au long de leur syndrome de dépendance, mais aussi pendant leurs tentatives de sevrage. Ces tentatives étaient principalement motivées par des problématiques de santé et ils accumulaient fréquemment différents moyens d’aide. Le recours à l’hypnose leur demandait de surmonter des représentations tronquées par les médias. Le fait que l’hypnose soit pratiquée par un médecin était un critère primordial de réassurance et de confiance. Ils estimaient cette confiance indispensable au bon déroulement des séances et à la réussite de l’hypnose. Ils retenaient que l’hypnose leur avait permis de modifier leur rapport au tabac et d’analyser leur consommation. Tous les patients étaient satisfaits de leur expérience, exprimaient un bien-être suite aux séances et une grande partie recommandait l’hypnose à leur entourage. Les patients qui utilisaient l’auto hypnose y voyaient un outil d’aide efficace pour la gestion du stress et des envies de cigarettes. Suite à l’hypnose, il existait une incidence systématique sur la consommation de tabac : une diminution pour la moitié et un sevrage pour l’autre.
Conclusion : L’hypnose permettait aux patients de surmonter leur dépendance psychocomportementale au tabac, via un renforcement de la décision du changement, une déconstruction de leur attachement durable au tabac via des suggestions personnalisées, et l’acquisition d’une capacité d’auto soins à travers l’auto hypnose. La technique hypnotique médicale pourrait se superposer à celle de l’entretien motivationnel et s’inscrire dans le principe d’éducation thérapeutique du patient.

Mots clés : hypnose, tabac, dépendance, sevrage

SUMMARY

Background and objective: Chronic smoking, which is the first morbi mortality’s cause in France, retains a stable prevalence despite legislatives and public health actions. General practitioners feel often helpless in medical care of smokers. Hypnosis doesn’t belong to recommended supporting cessation techniques by the HAS, because of a lack of scientific studies demonstrating its efficiency in this
indication. Patients and doctor’s hypnosis representations are often distorted by the medias. The objective was to explore patient’s hypnosis representations in this indication and improve the understanding of the mechanism of action of hypnosis.
Methods: A phenomenological study was conducted by using a qualitative methodology, based on semistructured interviews. Patients who have undergone hypnosis for tobacco withdrawal, regardless of the outcome, have been engaged by 5 general practitioners trained to clinic hypnosis in Ile de France by the SFMG. Juvenile patients, those who had another addiction or a psychiatric treatment were excluded.
The interviews were recorded then transcribed word by word. We used the software Nvivo 11 for helping the encrypting of data. The data analysis was realized by triangulation.
Results: 18 patients were recruited, including 15 women and 3 men. Their CSP, mode and places of life, levels of smoking consumption and number of sessions of hypnosis were varied. The saturation was objectified from the 12th interview. The patients brought back the beginning of smoking consumption to the adolescence, motivated by a group-dynamic effect. They put forward their behavioral and
psychological dependence, in a societal context in transfer in its relationship to tobacco. The position of the entourage about the tobacco played a key-role, in the positive or negative direction, throughout their syndrome of dependence, but also during their cessation attempts. These attempts were mainly motivated by health issues and they accumulated frequently many ways of help. The recourse to
hypnosis asked them to overcome representations truncated by the media. The fact that the hypnosis was practiced by a doctor was an essential criterion of reinsurance and confidence. They estimated this confidence essential to the satisfactory progress of the sessions and to the success of the hypnosis. They retained that hypnosis had allowed them to modify their relationship to tobacco and to analyze their consumption. All the patients were satisfied of their experience, expressed a well-being further to
the sessions and a big part recommended hypnosis to their entourage. The patients who used the selfhypnosis saw an effective help tool for the management of the stress and the cravings of cigarettes. Further to the hypnosis, there was a systematic incidence on the tobacco consumption: a decrease for half and a withdrawal for the other one.
Conclusion: The hypnosis allowed the patients to surmount their behavioral and psychological addiction to tobacco, through a strengthening of the decision of the change, a deconstruction of their sustainable attachment to tobacco via personalized suggestions, and the acquisition of a capacity of self-care through the self-hypnosis. The medical hypnotic technique could be superposed on the motivational
counselling and join the principal of therapeutic education.

Key words: hypnosis, tobacco, dependence, withdrawal