SFMG - Société Française de Médecine Générale

L'incertitude diagnostique
La pratique médicale L'incertitude diagnostique
La démarche décisionnelle
La pratique médicale La démarche décisionnelle
La mutlimorbidité polypathologie
La pratique médicale La multimorbidité
Le dossier médical
La pratique médicale Le dossier médical

A l'instant et dans la durée

Depuis son informatisation, le dossier médical, pour peu qu’il soit bien documenté, est devenu le partenaire indispensable du médecin pour une prise en charge de qualité des patients. En effet, le praticien s’appuie sur un diptyque sources des informations nécessaires à sa démarche diagnostique et décisionnelle : d’une part, le patient, avec ses attentes, ses plaintes et son vécu et d’une autre part, le dossier médical, dépositaire de l’histoire médico psycho sociale du patient. 


Le travail du généraliste consiste à porter soin dans l’instant et la durée. Du temps de la consultation à la perspective du suivi. Ce que les linguistes ont appelé synchronie et diachronie. L’approche synchronique correspond à une photo de l’état de santé d’un patient à un temps « T », quand l’approche diachronique est le film de l’évolution dans le temps de sa santé pour prendre en compte le patient et sa (ses) maladie(s) dans la durée. Ainsi s’il travaille dans l’instant synchronique de la consultation, le médecin conçoit le soin dans la durée, la diachronie. 


Se pose alors la question de comment documenter le dossier médical, de comment stocker toutes les informations et comment les retrouver aisément ?

diachronie synchronie

Que notons-nous dans le dossier médical ?

Souvent il n’est retrouvé que les fameux antécédents (ATCD), quelques notes éparses et… l’ordonnance. On évoque les « motifs de consultation » avec une ambiguïté entre « motif » et « maladie ».
Nous notons des informations que nous jugeons utiles aux soins. Celles-ci sont appelées ELEMENT DE SANTE et sont de 4 types : les affections - les risques - les facteurs de risques reconnus par la science et toute autre donnée pouvant avoir une influence sur l’état de santé du patient : les évènements de vie et l’habitus.
Ces informations sont colligées au fur et à mesure des contacts successifs. Certaines sont d’ordre objectif, comme les affections, d’autres plus subjectives, à la discrétion du praticien qui juge à un moment, que telle ou telle information, est, ou pourra, être utile au soin.

Les affections

Parmi les éléments indispensables au suivi, il y a bien évidement les affections passées ou actuelles du patient. Nous préférons ce terme à celui de maladie, car, au-delà des maladies, il inclut aussi les troubles de santé moins caractérisés, importants à retenir puisqu’ils peuvent correspondre à l’émergence de maladies. 
Pour que le recueil des affections puisse être utilisable, le praticien doit se servir d’une nosographie. Une liste approximative, avec ses mots à lui, ne lui permettrait pas de s’y retrouver aisément et serait source d’erreurs. Il en existe deux en médecine générale, la CISP et le DRC, qui ont toutes-deux une correspondance avec la nomenclature de référence qu’est la Classification internationale des maladies (CIM). 
Le Dictionnaire des Résultats de consultation (DRC) a notre préférence car il répond au besoin de dénommer précisément les « affections » rencontrées en médecine de premier recours. L’ensemble des Résultats de consultation représente plus de 97 % des situations cliniques prises en charge en médecine générale. 
Contrairement à la CISP, le motif de rencontre n’est jamais exprimé textuellement dans le DRC. La raison en est simple : le RC contient déjà, en lui-même, le motif du recours, mais aussi les données que ce dernier a recueillies au cours du contact. Il est en quelque sorte le condensé à la fois des éléments Subjectifs apportés par le patient, des constatations Objectives du médecin, et de son évaluation (Assesment en anglais) de professionnel. On reconnait-là les 3 premières lettres du vieil acronyme SOAP développé par Weed en 1968 (26).

Les risques

L’élément de santé « risques », dont nous parlons ici, correspond aux dangers dont la probabilité de survenue est augmentée chez ce patient en particulier, par exemple : RISQUE DE CANCER DU COLON, RISQUE CARDIOVASCULAIRE, RISQUE DE MALADIE GÉNÉTIQUE, RISQUE DE MALADIE PROFESSIONNELLE, RISQUE INFECTIEUX…

Les facteurs de risque reconnus par la science

Ce sont donc les agents, les causes en quelque sorte, qui vont augmenter la probabilité de survenue d’un événement. L’OMS les définit ainsi : « Un facteur de risque est tout attribut, caractéristique ou exposition d’un sujet qui augmente la probabilité de développer une maladie ou de souffrir d’un traumatisme. Les facteurs de risque les plus importants sont par exemple, le déficit pondéral, les rapports sexuels non protégés, l’hypertension artérielle, la consommation de tabac ou d’alcool, l’eau non potable, l’insuffisance de l’hygiène ou de l’assainissement. »
Il y a les facteurs de risque identifiés (drogues, HTA, Obésité, Pollution…), mais aussi la fragilité et la Iatrogénie...

Facteur de risque

Toute autre donnée identifiée par le médecin comme pouvant avoir une influence sur l’état de santé du patient

À côté des affections, des risques et des facteurs de risque, le médecin éprouve le besoin de noter d’autres éléments dans le dossier médical. Il y a deux catégories : 

  • Les événements de vie : Dans « Le Robert », un événement est défini comme « Ce qui arrive et qui a de l'importance pour l'homme ». Les évènements de vie sont des faits biographiques marquants qui surviennent dans la vie d’un patient. Qu’ils soient négatifs, comme la perte d’un proche, ou positifs, comme la naissance d’un enfant, ces évènements peuvent avoir des conséquences inattendues sur l’état de santé du patient et peuvent être nécessaires à son suivi.
  • L’habitus : ce mot signifie « manière d’être », dérivé de habere : « se tenir ». En médecine, pour le Robert, il est défini comme « l’apparence générale du corps, du visage de quelqu’un, en tant qu’indication de son état de santé ».

En pratique que se passe-t-il ?

Tous les éléments de santé, ne sont pas utilisés en permanence, ni simultanément, par le médecin pour soigner son patient. Il les utilise lors des différentes consultations en fonction des nécessités du soin ou des impératifs du moment.
Ainsi, au fil du temps et des besoins un « élément de santé » lorsqu’il est pris en compte ou en charge par le médecin devient un « PROBLEME DE SANTE ».
Pour le suivi, dans la vision diachronique un élément de santé pris en charge, donc devenu problème de santé, évolue en EPISODE DE SOIN. L’épisode de soin n’est qu’une modalité évolutive du problème de santé.

 

Problème de santé

Sur le plan pratique, en fonction des consultations, le médecin retient telle ou telle information inscrite dans le dossier médical. Lors d'un consultation (contact), en synchronie, il les contextualise avec les nouvelles informations du jour. . Ces données deviennent alors des problèmes de santé. Il arrive, à l'inverse que certains problèmes de santé ne soient plus pris en charge (angine guérie, fin d'une période de dépistage, reclassement professionnel…). Ils resteront pourtant inscrits dans le dossier médical, car ils peuvent dans l'avenir redevenir utiles. C'est pour cela que le problème de santé peut être dit ACTIF ou INACTIF. Le médecin identifiera ainsi aisément dans son dossier les problèmes actuellement pris en compte. Ceci facilitera la vision diachronique de son action. 

Episode de soin

Pour le suivi, dans la vision diachronique un élément de santé pris en charge, donc devenu problème de santé, évolue en EPISODE DE SOIN. L’épisode de soin n’est qu’une modalité évolutive du problème de santé. Il se définit comme l'ensemble des recours au système de soins pour un problème de santé jusqu'à ce que celui-ci soit considéré comme résolu, ou jusqu'à ce que le patient cesse de recourir au système de soins pour ce problème.
A l’image du « problème de santé » qui peut être actif ou inactif, l’épisode soin est OUVERT ou FERME. L’épisode de soin est ouvert tant que les soins persistent ; le patient doit être « guéri » du problème de santé pour décider que l’épisode de soin est fermé. L’épisode de soin possède un nom (en général celui de l’affection), une date, une durée…
Va sans dire qu’a un moment donné, une consultation, le patient peut présenter plusieurs épisodes de soins.
On peut aisément visualiser l’ensemble des problèmes de santé avec leurs épisodes de soins par des tableaux synoptiques :

Le motif de consultation

Le motif de consultation n’est pas une affection, ni un diagnostic. Ce sont les raisons qui font que le patient sollicite le contact. Le motif de consultation fait partie du recueil sémiologique. Il disparaît progressivement pour laisser place à l’expression des plaintes, des souffrances. Ce n’est ni plus, ni moins que la porte d’entrée du contact, le premier temps de l’anamnèse.
Si le motif de contact permet d’orienter l’interrogatoire, il ne peut le résumer. Ainsi, le fameux " RO" retrouvé dans les dossiers médicaux pour le renouvellement d’ordonnance est bien la raison pour laquelle le patient a pris rendez-vous, mais le médecin lui, réévalue le problème de santé, rarement unique dans ce cas. Seule cette approche problème par problème permet une remise en question des prescriptions, limite la  iatrogénie et l’inertie clinique. "Faire un renouvellement d'ordonnance" c’est raisonner à l'envers, en allant du traitement vers le diagnostic.

 

La mort des antécédents

On comprend à la lumière de cette notion diachronique avec celles de « problème de santé » actif et inactif et d’épisode de soin ouvert ou fermé, pourquoi celle « d’antécédent » ancrée dans les habitudes médicales depuis l'externat, n'est plus efficiente.
Cette dernière peut se justifier lors d’une hospitalisation, la prise en charge du patient y étant quasi synchronique. La liste des antécédents reste souvent figée et est loin d’être le reflet fidèle des éléments et problèmes de santé du patient. Dans une prise en charge diachronique, il n’est plus possible de parler d’antécédents car la situation du patient évolue au fil des contacts. Les concepts d’élément de santé et de problème de santé (actif ou inactif), rendent compte de l’aspect dynamique de l’histoire médicale du patient, et permettent une prise en charge plus aisée par le médecin.

Un manuel

L’instant et la durée de l’antécédent à l’épisode de soin

Tous ces concepts sur le dossier médical ont été développés dans un ouvrage publié en 2020 : L’instant et la durée - de l’antécédent à l’épisode de soin. 192 pages. 

Il est complété par un chapitre qui donne des pistes pour développer des logiciels adaptés à la singularité et à la complexité de notre exercice, permettant enfin au dossier médical d’apporter une aide véritable à la prise en charge de nos patients.

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