SFMG - Société Française de Médecine Générale

Avril 2009 Impact d'une intervention formative sur l'application des recommandations pour la prise en charge de la bronchiolite aigue. Mesuré par l’utilisation d'un cas vignette
CONCLUSION :

Si les épidémies annuelles de Bronchiolite Aiguë du Nourrisson ne semblent plus s'amplifier depuis quelques années, elles n'en restent pas moins un véritable problème de santé publique, et ont , à ce titre, mobilisé l'attention et l'énergie des professionnels de santé depuis le début des années 1990, en particulier en Île-de-France. En témoignent :
− Les réseaux de surveillance épidémiologiques qui se sont développés.
− La conférence de consensus organisée à l'initiative de l'URML-IdF, devant l'hétérogénéité des pratiques relatées dans les différentes études en France et dans le monde. Elle s'est tenue en septembre 2000, et, est à l'origine de recommandations pour la prise en charge de la bronchiolite non compliquée du nourrisson. Elle prône la formation de médecins qui doivent être capables par exemple, de juger de l'efficacité de la kinésithérapie effectuée. Elle incite à la réorganisation des soins destinées à la petite enfance en période épidémique, encourage la mise en place de réseau améliorant la gestion des flux de patients et sollicite la coordination interprofessionnelle.
− le réseau Bronchiolite en Ile-de-de-France, qui illustre tout à fait les adaptations
en terme d'organisation, de collaboration interprofessionnelles et de formation, souhaitées par le jury de la conférence, et a vu le jour en 2001.

La définition de la qualité de soins a évolué tout au long du vingtième siècle pour devenir un savant mélange de connaissances fiables et actualisées et d'expériences professionnelles à doser de façon à obtenir l'adhésion du patient qui se présente avec des valeurs et des expériences propres avec lesquelles il faut apprendre à composer. De ce compromis résulte une décision médicale que concrétise l'EBM, démarche de soins émergeant au début des années 1990, qui s'applique à la formation initiale, comme aux formations continues, ou à l’évaluation. L'exigence de pratiques fiables va de pair avec des méthodes de recherche clinique et d'évaluation de pratique tout aussi fiables et pertinentes qui relèvent aussi de la démarche EBM.

Dans un contexte d'amélioration de pratiques médicales basée sur des données scientifiquement solides, et d'évaluation des pratiques professionnelles, il est intéressant d'évaluer l'adhésion des médecins généralistes aux recommandations pour la prise en charge de la bronchiolite. Plusieurs études ont déjà dénoncé l'inutilité de la diffusion passive de recommandations pour obtenir une modification des pratiques. Les formations et interventions interactives jouent un rôle important dans l'appropriation des recommandations.

Nous avons donc souhaité mesurer l'impact d'une intervention répétée à visée formative
sur l'application de pratiques standardisées. Le réseau Bronchiolite constitue un support idéal pour une telle étude. Ainsi, nous avons comparé les compétences des praticiens formés du Réseau ARB, et celles des médecins généralistes franciliens, non formés. Pour cela nous avons utilisé la méthode des cas-vignette qui a prouvé sa validité dans l'évaluation de compétences professionnelles, particulièrement lorsqu'il s'agit de comparer les attitudes à une référence, ou de comparer des groupes de professionnels entre eux.
Bien que les pratiques professionnelles semblent s'être modifiées dans les deux groupes en quelques années (quatre à six ans), les résultats de notre étude montrent un impact positif de la formation continue sur la connaissance et l'application des recommandations. Une étude comparative avant-après serait intéressante et pourrait éventuellement renforcer les conclusions de cette première étude.

Ce travail a donc permis de souligner l'importance d'une intervention formative interactive et répétée qui dans notre cas, parce qu'elle favorise une orientation (hospitalisation ou domicile) cohérente et justifiée par l'EBM, permet une amélioration des pratiques. La diminution des prescriptions « non nécessaires », inappropriées est aussi un objectif important de bonnes pratiques que la formation du Réseau Bronchiolite Ile-de-France permet d'atteindre.

Enfin notons qu'une actualisation de la conférence de consensus serait souhaitable. La
publication prochaine des résultats des récentes études concernant la kinésithérapie
respiratoire (BRONCHINOU) motiveront peut être l'organisation de la mise à jour des recommandations en cours qui datent en effet de plus de cinq ans.

Les raisons des difficultés rencontrées pour modifier les pratiques et améliorer la qualité des soins, méritent plus que quelques lignes et ont déjà motivé de nombreux travaux et articles. La mise en place en pratique ambulatoire de groupes de travail, favorisée par l'obligation récente de FMC et d'EPP, serait un levier vers l'amélioration de la qualité des soins. L'organisation en milieu hospitalier de réunion et groupe de travail est aisée et a fait ses preuves. Beaucoup plus complexe à développer et à généraliser en milieu ambulatoire, il semble pourtant qu'il pourrait s'agir d'une méthode potentiellement efficace dans l'amélioration des pratiques de ville. Il pourrait être intéressant d'explorer le développement de pareils groupes dont le but serait l'échange interprofessionnel et la détermination de besoin locaux pour lesquels le groupe pourrait définir des orientations de pratiques, sans obligation d'adhésion absolu.
Je terminerai en effet par rappeler que la médecine est un art, celui de prendre des décisions complexes reposant sur un trépied évolutif « science-médecin-malade ».