SFMG - Société Française de Médecine Générale

Juin 2016 Yhan MONNEY

Conclusion générale

Certaines équipes de chercheurs de par le monde ont alors suggéré l’hypothèse que les effets bénéfiques de l’allaitement maternel puissent contrebalancer les effets néfastes du tabac. Les premières études réalisées sur ce sujet semblaient en effet encourageantes et montraient un effet protecteur d’avantage marqué lorsqueCertaines équipes de chercheurs de par le monde ont alors suggéré l’hypothèse que les effets bénéfiques de l’allaitement maternel puissent contrebalancer les effets néfastes du tabac. Les premières études réalisées sur ce sujet semblaient en effet encourageantes et montraient un effet protecteur d’avantage marqué lorsque0, 0, 0);">Le tabac est néfaste à court, moyen et long terme pour la santé des fumeurs et de leur entourage, et ce dès le plus jeune âge. La littérature scientifique met en évidence chaque jour de plus en plus de complications imputables au tabagisme, qu’il soit actif ou passif (ou de troisième main, cf. chapitre « Les effets néfastes du tabac sur la santé de l’enfant »), chez l’enfant comme chez l’adulte. Il n’existe pas de seuil en-deçà duquel la quantité de tabac fumée ne soit pas mauvaise pour la santé.
L’allaitement maternel est bénéfique pour la santé de l’enfant et de sa mère. Il s’agit d’un sujet de recherche ancien (XIXe siècle) mais dont l’intérêt reste toujours d’actualité. Une vaste méta-analyse publiée récemment en 2016 montrait que cet effet protecteur concernait essentiellement le risque infectieux (pulmonaire et digestif surtout) et la mortalité infantile globale dans les premiers mois de vie. De nombreuses études ont été réalisées afin d’étudier la composition du lait maternel lui conférant cet effet protecteur. Il est effectivement le vecteur de nombre d’agents immunitaires et de bactéries bénéfiques pour la flore intestinale. Il est communément admis au sein de la communauté scientifique que l’allaitement maternel exclusif représente le mode d’alimentation idéal du nourrisson au cours de ses 6 premiers mois de vie, et que les enfants devraient pouvoir bénéficier du lait maternel jusqu’à l’âge de 2 ans (recommandations OMS) en fonction des possibilités de la mère, quel que soit le niveau socio-économique du pays considéré.

Certaines équipes de chercheurs de par le monde ont alors suggéré l’hypothèse que les effets bénéfiques de l’allaitement maternel puissent contrebalancer les effets néfastes du tabac. Les premières études réalisées sur ce sujet semblaient en effet encourageantes et montraient un effet protecteur d’avantage marqué lorsque l’allaitement maternel était de « longue durée » (plus de 4 mois). Cependant, les caractéristiques du tabac et de l’allaitement maternel étant très différentes d’un pays à l’autre, il était difficile de trouver un consensus quant à l’attitude à adopter de façon générale lorsqu’une mère fumait et que la question de l’allaitement maternel se posait.
La France est un terrain d’investigation particulier sur ce sujet, étant donné qu’il s’agit à la fois du pays européen où la prévalence du tabagisme maternel est la plus élevée, et à la fois d’un des pays européens où la prévalence et la durée de l’allaitement maternel sont parmi les plus faibles.
Nous avons constitué une cohorte d’enfants de mère fumeuse représentative à l’échelon national de la France métropolitaine quant aux caractéristiques de l’allaitement maternel et de celles des parents (dont au moins la mère fume).
En adéquation avec les données de la littérature scientifique, nous avons retrouvé, au sein de notre cohorte d’enfants de mère fumeuse, une prévalence et une durée moins élevée d’allaitement maternel, et un niveau socio-économique significativement plus bas chez les mères fumeuses. Notre critère de jugement principal était d’avoir présenté au moins une pathologie imputable au tabac avant 9 mois.
En première analyse, il semblait en effet que les enfants allaités plus de 18 semaines étaient significativement moins nombreux à présenter au moins une complication imputable au tabac. Cependant, en seconde analyse, après ajustement sur des facteurs de confusion pertinents (les comorbidités néonatales et le statut social maternel), ce résultat devenait non significatif et invalidait le rôle propre de l’allaitement maternel sur la prévention des complications imputables au tabac.
Nous avons alors fait émerger une nouvelle hypothèse de travail, basée sur nos résultats, selon laquelle la causalité serait inversée, à savoir que ce sont les enfants n’ayant pas présenté de complication imputable au tabac avant 9 mois qui sont allaités plus longtemps. Après ajustement sur les différents facteurs de confusion, il se trouve que cette hypothèse est validée par notre modèle de régression logistique.
Les enfants de mère fumeuse en meilleure santé étant allaités significativement plus longtemps que ceux ayant présenté au moins une complication imputable au tabagisme passif, nous pensons qu’il est possible que les mères de ces enfants « sains », ayant fumé pendant la grossesse, n’ont pas poursuivi leur consommation tabagique après l’accouchement. Cette hypothèse nécessiterait d’être explorée par une étude prospective sur une nouvelle cohorte où la durée de la consommation tabagique des mères serait renseignée.

En conclusion, bien que l’allaitement maternel soit bénéfique pour la santé de l’enfant et de sa mère, et qu’il ne doive pas être contre-indiqué en cas de tabagisme maternel, il ne suffit pas à contrebalancer les effets néfastes de l’exposition de l’enfant de mère fumeuse au tabac, y compris lorsqu’il est de longue durée. Le médecin, face à la demande d’une mère fumeuse, ne doit pas focaliser l’attention de celle-ci sur la durée de l’allaitement maternel (comme cela était suggéré dans la littérature internationale) mais sur le fait de se servir de la volonté d’allaiter comme motivation pour arrêter de fumer et l’accompagner dans cette démarche. Il est à présent bien documenté que l’arrêt du tabac améliorera la santé de l’enfant et augmentera la durée de l’allaitement maternel.