SFMG - Société Française de Médecine Générale

Mars 2005 Vionnet–Fuasset J
Introduction
La lecture de la presse grand public pose fréquemment le problème des soins aux personnes âgées, avec des contradictions: le patient âgé prend trop de médicaments ce qui entraîne de grands risques iatrogènes; toutes les pathologies de la personne âgée ne sont pas bien traitées (Alzheimer, Accidents Vasculaires Cérébraux); les médicaments sont aujourd’hui commercialisés par les laboratoires et autorisés par les tutelles sans avoir été étudiés chez les personnes âgées.
Avec les traitements qui coûtent de plus en plus cher, les dépenses pharmaceutiques des personnes âgées ne feront que s’amplifier; par exemple, le traitement de la maladie d’Alzheimer pourrait passer progressivement de 110 millions d’euros en 2002 à 1 milliard d’euros (1).

Les connaissances pharmacologiques actuelles ne permettent pas de prévoir les interactions, donc les dangers, qui résultent de la juxtaposition de plus de 4 médicaments actifs (2). Les Entreprises du Médicament (3) se mobilisent pour toucher 450000 professionnels de santé en France pour limiter les effets indésirables des médicaments
chez les personnes âgées, par une campagne d’information.
Fin 2003, il y avait en France métropolitaine 7219917 personnes âgées d’au moins 70 ans, soit 12.1 % de la population (4), avec une prévision de 19,3 % en 2020 (5).
10 % des plus de 69 ans sont responsables de 19 % des dépenses des médicaments et 43 % des dépenses ambulatoires (6). 5 à 10 % des hospitalisations des personnes âgées de plus de 65 ans ont une cause iatrogène, et 20 % pour les plus de 80 ans (7).
La dépense pharmaceutique annuelle moyenne d’une personne de plus de 69 ans était, en 2002, de 900 euros (8).Les personnes âgées de plus de 65 ans consomment 35 % des médicaments utilisés dans notre pays (8).

Tous ces chiffres et affirmations posent l’ampleur du problème de la poly-médication de la personne âgée: problème individuel avec les risques sur l’état de santé de chaque patient mais aussi problème de santé publique avec la charge financière que cela entraîne et les décisions de campagnes de prévention. Le gouvernement s’est fixé comme objectif à 5 ans de réduire de 30 % les prescriptions inappropriées, et d’un tiers l’incidence des événements iatrogènes graves évitables (9).
Mon activité de médecin généraliste depuis vingtsix ans en zone semi rurale, à forte densité en personnes âgées, m’a souvent mis face à des ordonnances (les miennes et celles de mes confrères) contenant tant de médicaments que le doute s’installait dans mon esprit quant au bien-fondé et à l’efficacité de telles prescriptions.
Mais comment s’y prendre? Quelles questions se poser? Et comment tenter d’y répondre? Une étude sur le terrain, à laquelle j’ai participé, m’a paru une bonne démarche.

L’originalité de cette étude repose sur le fait qu’elle a été réalisée par des médecins généralistes en Ile de France, en temps réel lors de leurs consultations, en relevant toutes les maladies et tous les symptômes, et en notant les prescriptions correspondantes durant une année.

Trois questions méritent d’être posées:
Quelle est la réalité de cette poly-médication?
Quelles sont les maladies les plus fréquentes?
Quelles sont les classes de médicaments les plus souvent concernées?

Evaluer la fréquence et la nature de cette polymédication chez les patients âgés d’au moins 70 ans en médecine générale représente donc le but de cette étude.