SFMG - Société Française de Médecine Générale

Mars 2021

Ce matin, cinquième changement de cap en une semaine à propos de la vaccination contre la covid. Nous connaissons bien, pour le constater quotidiennement avec nos patients, la quasi religion nationale de la non-reconnaissance des salariés et du management maltraitant des ressources humaines, mais ne nous attendions pas à en faire les frais. Depuis un an maintenant, les médecins de premiers recours expliquent et tentent de justifier les décisions sans lendemain de l’administration sanitaire. Depuis 15 jours 33000 d’entre eux ont répondu à l’appel à vacciner, se faisant malgré cela tancer pour son manque d’enthousiasme. Les secrétaires médicales sont sur le pont. Chaque rendez-vous pour un vaccin représente en moyenne 2 appels téléphoniques (explication, hésitation, rappel, changement de date…). Après une semaine de flottement et une montée en charge pour le moins progressive (seulement 24 doses par médecin dans mon cabinet), tout était en ordre de marche. Le dernier changement de programme nous parvient dimanche soir par les médias grands publics : les doses prévues ne seront pas livrées !

Il faut donc rappeler tous les patients qui avaient rendez-vous dans la semaine, au moment où le Monde publie en gros titre « Le gouvernement décide d’accélérer la campagne de vaccination ». Dans l’après-midi, le directeur de la Direction Général de la Santé, adresse aux médecins un message se défaussant et justifiant le fiasco par un manque d’approvisionnement du laboratoire Astra-Zenica.

Résumé de la semaine :
Lundi, les médecins sont invités à vacciner les patients de 50 à 64 ans, prioritairement avec des comorbidités.
Mardi, changement de programme, annoncé sur un plateau de télévision à 20 heures, il faut aussi vacciner les 65 - 75 ans.
Mercredi, le panel est ouvert au patient de plus de 75 ans.
Jeudi on nous informe que nos collègues pharmaciens sont appelés à vacciner. Nous n’y sommes pas opposés, bien au contraire, car il faut vacciner en masse, comme le martèle le ministre de la santé.
Et ce matin toutes les commandes sont ajournées.

Cette incompétence est épuisante. Un an déjà que nous croulons sous les injonctions, les protocoles et autres directives qui ne semblent occuper que les Agences Régionales de Santé. « Nous savons organiser une vaccination de masse » disait le Ministre de la Santé en évoquant celle de la grippe. Il omet seulement que pour la grippe, les soignants (pharmaciens et médecins) ne sont pas entravés par une bureaucratie d’un autre âge.

Nul ne peut prétendre à savoir précisément les tenants et les aboutissements du déroulement cette maladie. Nul ne peut être tenu responsable de l’inconnue dans laquelle cette épidémie nous a plongé. En revanche, l’absence de remise en question des stratégies mises en œuvre est injustifiable. Le fait n’est pas nouveau. Combien de responsables de l’échec du projet DMP (Dossier médical partagé) ont été remis en question (*) ? La toute-puissance de nos agences d’état ne se discute pas. On en sort par un placard doré ou décoré de l’Ordre du Mérite.

Pourrait-on faire savoir à notre ministre de la Santé, qui a été vacciné le 8 février, sans avoir 50 ans, que nos patients sont perdus par cette navigation sans gouvernail et que nous, médecins généralistes nous nous demandons en ce début de semaine s’il ne vaut pas mieux laisser tomber.

Olivier Kandel
Membre titulaire de la SFMG
Ces propos n'engagent que l'auteur

(*) Le DMP, si les gilets jaunes savaient !