Depuis de nombreuses années les services d’accueil et urgence des hôpitaux sont débordés. Ils font régulièrement la une de l’actualité avec les mêmes demandes quantitatives et les mêmes griefs à propos de l’organisation des soins : pas assez de soignants, pas assez de lit d’aval, manque d’implication des médecins de ville, rémunération insuffisante … On ne compte plus les rapports de la Cour des comptes ou de l’Inspection Générale des Affaires Sociales sur le sujet. La crise des urgences est plus complexe qu’il n’y parait et les solutions à lui apporter nécessitent un diagnostic préalable étayé par une analyse précise.
Un premier constat est que la grande majorité des professionnels de santé assume son travail, consciencieusement et avec humanité. Il gère au mieux, avec les moyens qui lui sont alloués, les demandes de soins non programmés des patients. Cela vaut pour le personnel des services d’urgence comme pour les professionnels de ville. En revanche, force est de constater qu’ils n’envisagent le problème, et donc les solutions, qu’à travers le prisme de leur pratique, sans se replacer dans l’écosystème des soins programmés.
Le volume des soins non programmés est mal connu en France. Si le nombre de passage aux urgences est bien connu et souvent évoqué (21,2 millions en 2016, avec +15% en 4 ans), le nombre d’actes non programmés faits en médecine de ville n'est pas mesuré. Une étude de la Drees de 2006 estimait à 12% les actes non programmés réalisés par les généralistes français. Cela correspondrait aujourd'hui à plus 33 millions d’actes par an, sans tenir compte des demandes résolues ou reprogrammées grâce à un contact téléphonique. Les soins non programmés sont aussi assurés au quotidien en ville par les pharmaciens ou les infirmières (sans que cela soit quantifié). Ainsi est-il important de souligner que les soins non programmés sont réalisés majoritairement par les acteurs de ville.
Le coût de la prise en charge entre la ville et l’hôpital est différent. Nous savons, et les internes le découvrent dans nos cabinets, que les médecins généralistes voient les mêmes problèmes de santé qu’aux urgences et ce, en ayant moins recours aux examens complémentaires. Aux urgences le bilantage, la protocolisation et la peur médico-légale tuent le raisonnement clinique et poussent à la prescription. La Cour des comptes chiffre le passage aux urgences à 148€ en moyenne (hors dépenses engendrées), alors que le coût en médecine de ville est cinq fois moindre.
Par ailleurs, le dernier rapport de la Cour des comptes précise que 20% des passages aux urgences ne sont pas justifiés et que 50% des patients pourrait être vu en ville pour peu que les praticiens puissent accéder à un plateau technique minimum (radiographie, biologie...) dans un délai raisonnable. Si les 50% de patients vus aux urgences hospitalières étaient pris en charge par les médecins généralistes cela rajouterait moins d’un acte par médecin et par jour ouvré (sur la base de 50 000 médecins généralistes et 220 jours ouvrés par an). Enfin, l'Observatoire de la Médecine Générale a montré que la moitié des actes fait par les médecins généralistes comporte un problème de santé aigu (soit 140 millions d'actes par an)
La solution passerait par une meilleure organisation du dispositif de soin, où chaque acteur ne se centre plus sur sa simple pratique, mais il faudrait pour cela que :
- le mode actuel de financement de l’hôpital ne le pousse plus à promouvoir son service d'urgence. Sans compter, nous l'observons depuis des années, que toute augmentation de l'offre entraine inéluctablement un accroissement de la demande.
- les patients comprennent que le « tout, tout de suite » ne facilite pas l’organisation des soins et ne leur apporte pas le soin le plus adapté.
- les confrères hospitaliers redeviennent de vrais cliniciens conformes à ce qu'on peut attendre d'un professionnel à Bac+10.
- les généralistes assument ce "presque un acte par jour", sans se retrancher derrière le "on ne prend pas de nouveau patient" contraire au serment d'Hippocrate ! Il pourrait être utile de créer un indicateur de la ROSP qui inciterait les médecins à réinvestir ce domaine et valoriserait ceux qui ne l’ont jamais délaissé.
Il existe donc bien des pistes qui n'entraineraient ni transformation profonde du système de santé, ni d'important financement. Mais il faudrait pour cela que tous les partenaires, y compris le ministère et les agences de santé, osent entrevoir " le problème des urgences" dans son ensemble.
Philippe Boisnault
Président de la SFMG
Un premier constat est que la grande majorité des professionnels de santé assume son travail, consciencieusement et avec humanité. Il gère au mieux, avec les moyens qui lui sont alloués, les demandes de soins non programmés des patients. Cela vaut pour le personnel des services d’urgence comme pour les professionnels de ville. En revanche, force est de constater qu’ils n’envisagent le problème, et donc les solutions, qu’à travers le prisme de leur pratique, sans se replacer dans l’écosystème des soins programmés.
Le volume des soins non programmés est mal connu en France. Si le nombre de passage aux urgences est bien connu et souvent évoqué (21,2 millions en 2016, avec +15% en 4 ans), le nombre d’actes non programmés faits en médecine de ville n'est pas mesuré. Une étude de la Drees de 2006 estimait à 12% les actes non programmés réalisés par les généralistes français. Cela correspondrait aujourd'hui à plus 33 millions d’actes par an, sans tenir compte des demandes résolues ou reprogrammées grâce à un contact téléphonique. Les soins non programmés sont aussi assurés au quotidien en ville par les pharmaciens ou les infirmières (sans que cela soit quantifié). Ainsi est-il important de souligner que les soins non programmés sont réalisés majoritairement par les acteurs de ville.
Le coût de la prise en charge entre la ville et l’hôpital est différent. Nous savons, et les internes le découvrent dans nos cabinets, que les médecins généralistes voient les mêmes problèmes de santé qu’aux urgences et ce, en ayant moins recours aux examens complémentaires. Aux urgences le bilantage, la protocolisation et la peur médico-légale tuent le raisonnement clinique et poussent à la prescription. La Cour des comptes chiffre le passage aux urgences à 148€ en moyenne (hors dépenses engendrées), alors que le coût en médecine de ville est cinq fois moindre.
Par ailleurs, le dernier rapport de la Cour des comptes précise que 20% des passages aux urgences ne sont pas justifiés et que 50% des patients pourrait être vu en ville pour peu que les praticiens puissent accéder à un plateau technique minimum (radiographie, biologie...) dans un délai raisonnable. Si les 50% de patients vus aux urgences hospitalières étaient pris en charge par les médecins généralistes cela rajouterait moins d’un acte par médecin et par jour ouvré (sur la base de 50 000 médecins généralistes et 220 jours ouvrés par an). Enfin, l'Observatoire de la Médecine Générale a montré que la moitié des actes fait par les médecins généralistes comporte un problème de santé aigu (soit 140 millions d'actes par an)
La solution passerait par une meilleure organisation du dispositif de soin, où chaque acteur ne se centre plus sur sa simple pratique, mais il faudrait pour cela que :
- le mode actuel de financement de l’hôpital ne le pousse plus à promouvoir son service d'urgence. Sans compter, nous l'observons depuis des années, que toute augmentation de l'offre entraine inéluctablement un accroissement de la demande.
- les patients comprennent que le « tout, tout de suite » ne facilite pas l’organisation des soins et ne leur apporte pas le soin le plus adapté.
- les confrères hospitaliers redeviennent de vrais cliniciens conformes à ce qu'on peut attendre d'un professionnel à Bac+10.
- les généralistes assument ce "presque un acte par jour", sans se retrancher derrière le "on ne prend pas de nouveau patient" contraire au serment d'Hippocrate ! Il pourrait être utile de créer un indicateur de la ROSP qui inciterait les médecins à réinvestir ce domaine et valoriserait ceux qui ne l’ont jamais délaissé.
Il existe donc bien des pistes qui n'entraineraient ni transformation profonde du système de santé, ni d'important financement. Mais il faudrait pour cela que tous les partenaires, y compris le ministère et les agences de santé, osent entrevoir " le problème des urgences" dans son ensemble.
Philippe Boisnault
Président de la SFMG