SFMG - Société Française de Médecine Générale

Janvier 2011

Une nouvelle fois, je me suis énervé contre mes collègues hospitaliers auquel j'adressais un patient. Après explication téléphonique, de leur propre aveux, n'ayant pas lu mon courrier, ils n'ont pas répondu à ma question. En revanche, le "bilantage" a été immédiat, suivi d'une consultation différée sans objet. En revoyant la patiente très désemparée, j'ai bien entendu annulée cette convocation, mais que d'énergie perdue, de désagrément pour le patient et de dépenses inutiles.

Si la médecine se réduit aujourd'hui aux bilans, protocoles et procédures, on se demande bien pourquoi il faut tant d'années d'étude pour faire un médecin. Un logiciel performant et une infirmière bien formée devrait y suffire ! On disait autrefois, lors des balbutiements de l'informatique que si l'ordinateur pouvait remplacer le médecin il ne faudrait pas s'en priver.

Le plus inquiétant dans cette histoire c'est de constater que si le patient était allé à l'hôpital sans courrier, il aurait été pris en charge de la même manière. Je crains même que la lecture de cette lettre n'aurait pas changé la PEC, comme ils disent.
Je sais a contrario, par les internes, tout ce que pensent de nous nos confrères hospitaliers. On traite des "rhino", renouvelle des traitements et oriente vers le spécialiste. Savent-ils la diversité de notre travail ? Savent-ils que nos patients sont polypathologiques et que nous faisons des choix thérapeutiques, malgré des recommandations médicales prévues maladie par maladie ? Savent-ils que nous n'orientons vers un spécialiste d'organe ou l'hôpital que dans 5% de nos consultations ?

Je suis frappé de voir combien de consultations hospitalières débordent de "renouvellement d'ordonnance", alors qu'on a le plus grand mal à avoir un avis spécialisé rapide. Je suis choqué de voir que pour obtenir un rendez-vous, dans certains services, je suis obligé d'écrire pour qu'un médecin daigne éventuellement contacter le patient pour le convoquer dans… 2 mois !

Peut-être parce que nous avons été élevés au sein de l'hôpital, nous arrivons à percevoir encore les contraintes de nos confrères. Et il est aussi vrai que nos incriminations sont parfois exagérées. Mais il m'arrive alors d'espérer une meilleure compréhension réciproque, dans l'intérêt des patients et sans doute des deniers publics. Que faudrait-il alors ?

Oser se rencontrer. Oser en discuter sans a priori. Oser envisager que la médecine de premier recours est une porte d'entrée pertinente pour la prise en charge hospitalière. Oser se sentir collectivement responsable de l'inobservance récurrente, qui représenterait plus de 30% des prescriptions.

Oser prendre conscience que nos incompréhensions sont aussi peut être issues de nos démarches médicales qui sont radicalement opposées, nécessairement différentes. La situation du médecin généraliste est très différente de celle du spécialiste. Pour ce dernier, la démarche diagnostique, grâce à la mobilisation de compétences techniques, va chercher à identifier la cause du trouble présenté par le patient. A la différence du généraliste qui est en amont et dans une situation d'incertitude ne lui permettant, en fin de consultation, d'aboutir à un diagnostic prouvé que dans 30% des cas. Ainsi l'hospitalier travaille légitimement sur un mode de recherche du "mouton à 5 pattes", quand le généraliste fonctionne, tout aussi légitimement, sur un mode probabiliste par fréquence de maladie.

Oser peut-être discuter ensemble autour du fameux Carré de White".


Olivier Kandel