SFMG - Société Française de Médecine Générale

Février 2022

Le récent livre « Les fossoyeurs », du journaliste Victor Castanet, soulève enfin, aux yeux du grand public, le voile sur la douloureuse question des EHPAD. Si les financements et la gestion de ces établissements ont déjà été dénoncé, rien n’a jusqu’alors changé et que dire de la ministre déléguée chargée de l'Autonomie, qui semble découvrir soudain le pot aux roses ! Osons le dire, il y a depuis des années, pour des raisons différentes, collusion entre les groupes d’investissements, les autorités sanitaires (ARS) et le ministère.

Brutalement mis en lumière médiatique ce drame des EHPAD, restera sans doute sans suite, car la mal-vie dans les EHPAD est plurifactorielle. Inutile d’en dire plus. Je me permets seulement de reprendre un billet d’humeur écrit il y… 4 ans !


Mardi 30 janvier 2018, le personnel des EHPAD lancent un mouvement de grève pour souligner le manque de moyen humain pour assurer dignement leur fonction auprès des personnes âgées dépendantes. La situation n'est pas nouvelle et les médecins généralistes, qui soignent et suivent ces patients, constatent depuis longtemps cette dégradation progressive.

Je connais plusieurs confrères qui étaient médecin coordinateur dans ces établissements et qui ont fini par démissionner. Pour ma part, je vais chaque semaine dans des EHPAD. J'y vais à reculons et j'ai même refusé d'aller dans certains, car j'ai l'impression de cautionner ce monde devenu carcéral.

Au-delà du problème des effectifs, qui est bien réel, la question doit être abordée plus globalement. Pourquoi une telle médicalisation de la vieillesse ? La dépendance n'est pas que maladie. La surmédicalisation est d'ailleurs source de maux. Tout ce qui fait problème dans notre société est confié à la médecine. La vieillesse n'y échappe pas. On a donc confié les maisons de retraite aux Agences Régionales de Santé (ARS), qui régentent tout, à grand renfort de normes, de règles et de froides évaluations. On aseptise les couloirs, on sécurise pour se couvrir, mais de quoi, sinon de ridicule ? Ce modèle à directement ou indirectement entrainé une ambiance de peur : peur de l'autre, on se méfie du patient, des autres soignants, des familles, de l'administration…

Je connais pourtant des EPAD qui résistent… Des lieux où la priorité n'est pas les fiches, les notes, les directives, des lieux où les regards se croisent encore, des lieux où l'on perçoit encore quelques sourires et de la vie. Ce qui fait la différence c'est le plus souvent la triade : Directrice, médecin et infirmière coordinateurs. S'ils osent ne pas complètement se soumettre, ils insufflent alors une ambiance acceptable pour le personnel.

Il faudrait résister, opter pour l'insoumission aux autorités sanitaires, redonner la priorité à l'humanisme simple. Il faut donner les moyens au personnel de prendre du temps avec les personnes âgées. Il me plait à croire qu'un jour, peut-être pas si éloigné, à l'image de Michel Foucault et des prisons avec ses GIP (Groupes d'information sur les prisons), nous sortirons collectivement de cette passivité, en créant un mouvement : G.I.EHPAD. Je suis certain, pour les connaître, que les familles y adhéreraient, alors qu'on se cesse de se méfier d'elles.


Olivier KANDEL
Membre titulaire de la SFMG

Ces propos n'engagent que l'auteur

A propos de la grève dans les EHPAD