SFMG - Société Française de Médecine Générale

Mars 2020

Communiquer avec tact et mesure à propos de l'épidémie actuelle de COVID-19 n'est pas aisé dans l'environnement médiatique de ces dernières semaines.
Dans notre pays, nous allons probablement passer au stade 3 de la gestion épidémique, dont le but est de soigner le mieux possible un grand nombre de malades sans gâcher les ressources hospitalières. L'organisation planifiée est connue et, disons le, rationnelle. Mais la démarche de santé publique repose sur deux pieds : d'une part une stratégie étayée par les expériences antérieures et applicable sur le terrain et d'autre part, une communication claire et authentique vis-à-vis de la population.
Nous observons quotidiennement sur le terrain que nos patients sont jusqu'à aujourd'hui raisonnables et posent des questions pertinentes. Notre situation de médecin traitant nécessite pourtant des va-et-vient entre notre rôle de médecin du patient et celui de vecteur de messages de santé publique. Nous exposons les données globales sur le phénomène épidémique et poursuivons par une personnalisation des conseils en fonction de la santé de chacun.
L'essentiel de notre message tient en cinq points :

1. L'épidémie va suivre une courbe attendue qui va occuper le mois de mars. Nous devons donc nous organiser en fonction de celle-ci pour prendre en charge au mieux les malades et adopter des attitudes adaptées, centrées sur l'altruisme. La première partie dépend du corps sanitaire de notre pays (hôpital, ville…), la seconde de l'esprit collectif et citoyen de tous. Sans ces deux dimensions l'épidémie sera plus longue à juguler.

2. Les messages dramatisant la situation n'ont pas de justification. Le droit à l'information, qui est une condition incontournable du succès, ne consiste pas à un décompte pluriquotidien des personnes atteintes ou des décès. Pendant l'hiver 2018-2019, 8100 décès ont été attribués à la grippe pour une épidémie jugée modérée par Santé Publique France. Sur la période de l'épidémie, cela représente en moyenne 144 décès par jour. Soulignons en corolaire que le taux de vaccination antigrippal reste inférieur à 50% chez les sujets à risque !

3. Le passage d'un stade à l'autre (le 3 maintenant) est logique et n'est pas alarmant. Il s'agit d'une adaptation prévue du système de santé dans ce cas. Elle a pour but de prendre en charge au mieux les malades les plus gravement atteints. Sur le plan collectif, nous conseillons aux patients d'éviter les déplacements et les regroupements qu'ils ne jugent pas raisonnablement indispensables. Un mois dans la vie ce n'est pas insurmontable ! Ce message peut être amené à changer dans les semaines à venir, mais rien ne justifie d'anticiper les décisions éventuelles.

4. Les précautions communément préconisées (lavage des mains, tousser dans son coude…) ont une visée collective plus qu'individuelle. Il s'agit plus de ne pas transmettre que de se protéger. Il en va de même pour les déplacements. C'est cette démarche collective altruiste qui donnera des résultats.

5. Pour ceux qui seront malades, la question de la symptomatologie non caractéristique fait aussi problème et peut être angoissante pour les patients. Il s'agira d'un état fébrile souvent classique (fièvre, toux…). Nous leurs conseillons de nous contacter et nous les rassurerons. Le médecin généraliste à l'habitude des situations cliniques en incertitude diagnostique.

Nous invitons aussi nos patients à se poser la question du pourquoi tant de disproportion et d'alarmisme stérile ?
Sachant qu'il est illusoire de maîtriser l'information à l'époque des chaînes de télévision en continue et des réseaux sociaux, nous aimerions que les autorités sanitaires et politiques organisent une communication moins dispersée afin d'expliquer périodiquement l'état de la situation et de maintenir la dynamique collective pour laquelle, nous le pensons, la population est prête.

Philippe Boisnault
Président de la SFMG

 
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