Mardi 30 janvier 2018, le personnel des EHPAD et certaines de leur direction lancent un mouvement de grève pour souligner le manque de moyen, notamment humain pour assurer dignement leur fonction auprès des personnes âgées dépendantes. La situation n'est pas nouvelle et les médecins généralistes, qui soignent et suivent ces patients, constatent la constante disponibilité et bienveillance des...
personnels qui tentent de parer au quotidien ces lacunes.
J'ai été consterné par l'invitée des Matins de France Culture. Il faut aller régulièrement dans les EHPAD pour en parler sans condescendance. Son analyse montre qu'elle ne regarde le problème qu'enfermée dans son hôpital. On pourra confier ces établissements aux petites sœurs des pauvres (sic) et former et reformer le personnel, l'horreur actuelle perdurera. Je connais plusieurs confrères qui étaient médecin coordinateur dans ces établissements et qui ont fini par démissionner. Pour ma part, je vais chaque semaine dans des EHPAD. J'y vais à reculons et j'ai même refusé d'aller dans certaines, car j'ai l'impression de cautionner ce monde devenu carcéral.
Au-delà du problème des effectifs soignants, qui est bien réel, la question doit être abordée plus globalement. Pourquoi une telle médicalisation de la vieillesse ? La dépendance n'est pas que maladie. La surmédicalisation est d'ailleurs source de maux. Tout ce qui fait problème dans notre société est confié à la médecine. La vieillesse n'y échappe pas. On a donc confié les maisons de retraite aux Agences Régionales de Santé (ARS), qui régentent tout, à grand renfort de normes, de règles et de froides évaluations. Le modèle dominant étant hospitalier, les infirmeries d'EHPAD n'ont plus rien à envier aux services de réanimation. On aseptise les couloirs, on sécurise pour se couvrir, mais de quoi, sinon de ridicule ? Lorsque j'arrive, on me récite les constantes : poids, tension artérielle, saturation, glycémie… Après un mutisme inexpressif je demande alors: mais comment va madame untelle ? Ces tutelles ont directement ou indirectement entrainé une ambiance de peur : une peur de l'autre, on se méfie du patient, des autres soignants, des familles, de l'administration.
Je connais pourtant des EPAD qui résistent… Des lieux où la priorité n'est pas les fiches, les notes, les directives, des lieux où les regards se croisent encore, des lieux où l'on perçoit encore quelques sourires et de la vie. Ce qui fait la différence c'est le plus souvent la triade : Directrice, médecin et infirmière coordinateurs. S'ils osent ne pas complètement se soumettre, ils insufflent alors une ambiance acceptable pour le personnel soignant. Faites un test, entrez dans un établissement et voyez si les gens lèvent la tête et vous sourit.
Il faudrait résister, opter pour l'insoumission aux autorités sanitaires, redonner la priorité à l'humanisme simple. Il faut donner les moyens au personnel de prendre du temps avec les personnes âgées. Je connais des lieux où il y a des poules en liberté dans le jardin, un chat et des plantes dans le couloir.
Il me plait à croire qu'un jour, peut-être pas si éloigné, à l'image de Michel Foucault et des prisons avec ses GIP (Groupes d'information sur les prisons), nous sortirons collectivement de cette passivité, en créant un mouvement : G.I.EHPAD. Je suis maintenant certain, pour les connaître, que les familles y adhéreraient, alors qu'on se cesse de se méfier d'elles.
Olivier KANDEL
Membre titulaire de la SFMG
Ces propos n'engagent que l'auteur
personnels qui tentent de parer au quotidien ces lacunes.
J'ai été consterné par l'invitée des Matins de France Culture. Il faut aller régulièrement dans les EHPAD pour en parler sans condescendance. Son analyse montre qu'elle ne regarde le problème qu'enfermée dans son hôpital. On pourra confier ces établissements aux petites sœurs des pauvres (sic) et former et reformer le personnel, l'horreur actuelle perdurera. Je connais plusieurs confrères qui étaient médecin coordinateur dans ces établissements et qui ont fini par démissionner. Pour ma part, je vais chaque semaine dans des EHPAD. J'y vais à reculons et j'ai même refusé d'aller dans certaines, car j'ai l'impression de cautionner ce monde devenu carcéral.
Au-delà du problème des effectifs soignants, qui est bien réel, la question doit être abordée plus globalement. Pourquoi une telle médicalisation de la vieillesse ? La dépendance n'est pas que maladie. La surmédicalisation est d'ailleurs source de maux. Tout ce qui fait problème dans notre société est confié à la médecine. La vieillesse n'y échappe pas. On a donc confié les maisons de retraite aux Agences Régionales de Santé (ARS), qui régentent tout, à grand renfort de normes, de règles et de froides évaluations. Le modèle dominant étant hospitalier, les infirmeries d'EHPAD n'ont plus rien à envier aux services de réanimation. On aseptise les couloirs, on sécurise pour se couvrir, mais de quoi, sinon de ridicule ? Lorsque j'arrive, on me récite les constantes : poids, tension artérielle, saturation, glycémie… Après un mutisme inexpressif je demande alors: mais comment va madame untelle ? Ces tutelles ont directement ou indirectement entrainé une ambiance de peur : une peur de l'autre, on se méfie du patient, des autres soignants, des familles, de l'administration.
Je connais pourtant des EPAD qui résistent… Des lieux où la priorité n'est pas les fiches, les notes, les directives, des lieux où les regards se croisent encore, des lieux où l'on perçoit encore quelques sourires et de la vie. Ce qui fait la différence c'est le plus souvent la triade : Directrice, médecin et infirmière coordinateurs. S'ils osent ne pas complètement se soumettre, ils insufflent alors une ambiance acceptable pour le personnel soignant. Faites un test, entrez dans un établissement et voyez si les gens lèvent la tête et vous sourit.
Il faudrait résister, opter pour l'insoumission aux autorités sanitaires, redonner la priorité à l'humanisme simple. Il faut donner les moyens au personnel de prendre du temps avec les personnes âgées. Je connais des lieux où il y a des poules en liberté dans le jardin, un chat et des plantes dans le couloir.
Il me plait à croire qu'un jour, peut-être pas si éloigné, à l'image de Michel Foucault et des prisons avec ses GIP (Groupes d'information sur les prisons), nous sortirons collectivement de cette passivité, en créant un mouvement : G.I.EHPAD. Je suis maintenant certain, pour les connaître, que les familles y adhéreraient, alors qu'on se cesse de se méfier d'elles.
Olivier KANDEL
Membre titulaire de la SFMG
Ces propos n'engagent que l'auteur